Ou une histoire de brioches.
“Je pense que ta venue est absolument indispensable et je ne voudrais pas être délaissée; ici il n’y a pas un endroit où j’aurais aimé rester et même si accueillir deux personnes coute plus cher que accueillir une, je vais essayer de diminuer davantage les dépenses en dérangeant mon estomac avec des buns de Bath.”
(Jane Austen dans une lettre à sa sœur, Cassandra, 1801)
Au fait, je ne sais pas comment je pourrais traduire “bun” correctement. Vous allez voir qu’il s’agira des viennoiseries à mi-chemin entre les brioches, pains au lait ou petits pains. Et je vous promets que la probabilité de sortir de la lecture de ce post dans un état d’incompréhension augmentera à chaque phrase.
Continuez à lire à vos risques et périls!
Nous sommes en 1851 et l’Exposition Universelle organisée par le Prince Albert à Londres bat son plein. D’après les reportages de l’époque, pendant les 6 mois de l’exposition, 943 691 Bath buns ont été mangés. Mais certaines voix mécontentes s’élèvent parmi le public que les buns vendus lors de l’Exposition n’ont rien à voir avec les buns venant de la ville de Bath. Voilà pourquoi, ils les ont appelés en fin de compte “Bath buns de Londres”. Et voici comment commence la confusion.
Bon, si les Bath buns de Londres ne sont pas de vrais Bath buns, quels sont alors les vrais Bath buns? Encore maintenant, vous pouvez les déguster sur place dans les deux boulangeries qui se disputent leur paternité (ou maternité?).
L’une s’appelle “Sally Lunn’s” et se trouve dans la plus vieille maison de la ville. D’après la légende, le nom viendrait de Solange Louyon, refugiée huguenot française qui a commencé à travailler dans la boulangerie de la ville en 1680 et a introduit les buns, très semblables à la brioche française. D’après une autre version, la boulangerie était tenue par une française qui l’avait appelé “Soleil et Lune” et le nom ‘Sally Lunn” serait juste une mauvais prononciation du nom français. Le hic dans les deux histoires et qu’il n’y pas de sources faibles mentionnant soit Solange Louyon, soit une boulangerie “Soleil et Lune”. Quoiqu’il en soit, Sally Lunn’s est toujours là, un peu brinquebalante et coincée entre deux maisons à North Parade Passage. Elle propose des grands buns ronds, avec le dessus bombé et pas trop sucrées, qui sentent bon le lait, beurre et œufs. Vous pouvez les déguster légèrement toastés avec du beurre et de la confiture.
L’autre boulangerie qui revendique l’origine des Bath buns se trouve environ à une cinquantaine de mètres de chez Sally Lunn’s et s’appelle tout simplement, “The bath Bun”. Son histoire est quelque peu différente. Nous sommes cette fois au XVIIIe siècle. Le docteur William Oliver, médecin diplômé de Cambridge établi son cabinet à Bath après avoir passé par l’Université de Leiden. A cette époque la ville commence déjà à être une station thermale de renom parmi le beau-monde. Le docteur Oliver traitait des patient atteints de rhumatisme et aurait élaboré des viennoiseries pour sustenter ses patients après les procédures. Les patients n’ont pas tardé à succomber au charme de ces petites douceurs, parfois au point de gagner plusieurs kilos à force de le consommer. Docteur Oliver était contraint de les substituer avec des biscuits secs, plus diététiques. Mais les buns avaient déjà gagné leur place dans la boulangerie locale. La pâte chez “The Bath bun” ressemble pas mal à celle de chez Sally Lunn’s, mais contient des raisins secs et un morceau de sucre au milieu, inséré juste avant la cuisson. Pas étonnant que les patients ont aimé et ont gagné quelques centimètres de tour de taille.
La recette que je vous propose aujourd’hui ne ressemble pas trop à celles que vous pouvez déguster dans la ville de Bath. Elle est basée sur la recette de Bath Cake qui ressemble plus à un petit pain, qu’à une brioche (je sais, je vous ai maintenant complètement perdus!). Elle provient du livre “The Experienced English Housekeeper” (1769) d’Elisabeth Raffald. Le descriptif de la recette précise que les buns doivent avoir la taille d’un petit pain français et qu’il faut les servir chauds au petit-déjeuner. Ce qui a du sens, car les buns briochés de Sally Lunn’s ou Docteur Oliver sont très riches pour le quotidien, surtout pour les gens ordinaires, contrairement aux petits pain plus modestes. Il est très probable que ce sont également les buns avec lesquels Jane Austen pensait déranger son estomac.
Si vous avez réussi à suivre toute cette histoire et vous vous sentez motivés à tester l’effet ces buns/pains/brioches sur votre estomac, retroussez vos manches et sortez la farine du placard et le beurre du frigo.
Et si vous voulez voir un peu plus de Bath ou de mon voyage sur les traces de Jane Austen, vous pouvez regarder ici et ici.
Bath Buns
Course: Boulangerie, ViennoiseriesDifficulty: Medium12
servings3
hours30
minutes15
minutesIngrédients
(pour 12 buns, la recette proveint du livre “Dinner with Mr. Darcy” de Penn Vogler)
450 g de farine
1 càc de sel fin
150 g de beurre doux
8 g de levure de boulanger déshydratée
2 càs de sucre
225 ml de lait
1 càs de graines de carvi
Pour le glaçage:
1 càs de lait chaud
2 càs de sucre
1 càc de graines de carvi
1-2 càs de sucre en grains
Directions
- Dans un bol, mélanger la farine avec le sel et le sucre. Ajouter le beurre en petits cubes et sabler avec le bout des doigts afin d’obtenir une consistance de sable humide. Ajouter la levure et les graines de carvi et mélanger bien. Chauffer le lait à température corporelle et le verser dans le bol avec les autres ingrédients. Pétrir le tout jusqu’à obtenir une pâte lisse et souple. Former la pâte en boule, couvrir et laisser lever pendant 2 heures ou jusqu’à ce qu’elle double de volume.
- étrir la pâte levée une deuxième fois sur le plan de travail légèement fariné et la diviser en 12 morceaux. Former 12 buns et les disposer sur une plaque de four couvert de papier sulfurisé. Couvrir et laisser lever pendant encore 1 heure.
- Préchauffer le four à 180°C. Enfourner les buns pendant environ 15 minutes ou kusq’à ce qu’ils soient bien dorés.
- Pour le glaçage, chauffer le lait et le sucre et bien mélanger pour que le sucre fonde. Badigeonner les buns chauds avec le glaçage à la sortie du four et parsemer de graines de carvi (vous pouvez ajouter aussi du gros sucre). Servir les buns chauds.
Notes
- Dans la recette originale les buns sont parsemés de graines de carvi confites qui ont été très populaires à l’époque depuis le temps des Tudors. Comme nous ne sommes plus au temps de Tudors, les graines sont introuvables. Du coup, j’ai opté simplement pour du carvi.