Le Havre : Impression en béton

Je pense que le Havre est la seule ville sur laquelle les opinions (au moins dans mon entourage) divergent de façon si spectaculaire. Ils oscillent entre « c’est une horreur en béton » et « quoiqu’on en dise, elle n’est pas si moche ».

La ville a une histoire longue et, parfois, tragique. Après avoir été pendant des siècles un grand port prospère, à cause de la traite négrière et le commerce international, la ville a été presque entièrement détruite lors de bombardements pendant la seconde guerre mondiale en 1944. Pendant les années 50 la reconstruction du Havre est confié à l’architecte Auguste Perret, un éminent spécialiste du travail de béton armé et adepte de bâtiments solides et sans décorations. Vous ne trouverez pas de maisons à colombages au charme ancien, des toits en zinc ou maisons en briques avec des balcons en fer forgé au centre-ville du Havre. La ville est à l’architecture moderne, plutôt rectangulaire et sans fioritures sur les façades. C’était peut-être aussi une des raisons pour lesquelles Le Havre restait en périphérie de mes ballades normandes.

Un article trouvé par hasard c’est retrouvé être le catalyseur de mon envie de prendre le train dans cette direction. Il racontait la recherche de la date et le lieu précis où Claude Monet a peint son célèbre tableau « Impression. Soleil Levant » (dont vous pouvez admirer l’original au musée Marmottant à Paris). En effet, il existe de gens qui se posent ce type de questions. Après une étude approfondie de l’œuvre, des documents laissés par le peintre, les cartes de la ville, l’almanach avec les horaires de lever de soleil et même avec l’intervention d’un astrophysicien, le mystère a été résolu.

Quand Claude Monet observait le levée du soleil à 7h35 le 13 novembre 1872 depuis sa chambre de l’hôtel de l’Amirauté sur le Grand Quai du port du Havre, il n’imaginait sans doute pas que ses impressions couchées en quelques heures sur la toile un peu plus tard dans la journée allaient bouleverser le monde de l’art l’année suivante. Et pour les années à venir.

J’ai déjà parlé à plusieurs reprises de mon intérêt à l’œuvre de Claude Monet et les impressionnistes en général. La lecture de l’article mentionné était décisive pour que je commence à planifier un voyage au Havre. Je sais, tout est dans la tête… et parfois dans la mienne, c’est un sacré bazar. Voilà comment je me suis retrouvée un samedi matin le mois d’août dans le train et prête pour l’aventure.

Le voyage au Havre est rapide (environ 2h30) et facile depuis la gare Saint-Lazare à Paris (la gare, qui aussi a été immortalisée par Claude Monet, d’ailleurs). La balade pourrait se faire en une journée, si vous avez l’envie de vous lever tôt et de vous coucher un peu plus tard que d’habitude. Le Havre pourrait aussi figurer dans la liste d’endroits à visiter si vous faites un road trip en Normandie entre Étretat et Rouen. De toute façon, un voyage en Normandie est toujours une très bonne idée. Comme dit mon pote Martin (Plans de voyages), « la Normandie offre un voyage dans le temps à la fois enrichissant et enchanteur ». D’ailleurs, si vous voudriez glaner quelques idées comment visiter la Normandie en 3 jours, n’hésitez pas jeter un coup d’œil à ses conseils (souvent plus avisés que les miens).

Mon premier arrêt une fois sur place était naturellement le port. Ou une partie, au moins, là où se situait le Grand Quai à l’époque. Le Grand Quai, tout comme l’hôtel, n’existe plus, remplacé par le Quai de Southampton. Mais avec un peu d’imagination, l’on peut se projeter dans le tableau. Avec beaucoup d’imagination, au fait.


13 novembre 1872

05 août 2019

Après le port, la balade a continué vers le centre-ville qui était comme je l’imaginais : carré et en béton. Mais pas oppressant, plutôt différent. Je pense que le soleil et la verdure autour ont contribué à mon impression favorable et l’atmosphère agréable que j’ai sentie. J’imagine que la ville serait différente sous la pluie ou dans le brouillard.

Le bâtiment que j’ai le plus apprécié était l’église Saint-Joseph. Sous son manteau en béton, l’on trouve une féerie de couleurs provenant des vitraux sur toute la hauteur du clocher. J’étais tellement immergée dans la vue au-dessus de ma tête que je me suis cognée les genoux à plusieurs reprises dans le bancs pendant que je tournais autour du nef.

Si vous voulez jeter un coup d’oeil à la ville depuis un point culminant, allez vers les Jardins Suspendus : un jardin botanique située en haut d’une colline. Ensuite profitez pour vous balader dans le quartier de Saint-Adresse qui a été en partie épargné des bombes et qui garde encore quelques traces de l’architecture de la ville à l’époque.

Ne ratez pas également la plage avec les cabines colorées, mais sachez que vous ne pourriez pas étaler votre serviette très confortablement sur les galets.

Après cette journée passée au Havre, je peux me ranger parmi les gens qui pensent que « quoiqu’on en dise, la ville n’est pas si moche ». Je pourrais même dire que la ville m’a plutôt plu. Oui, ce n’est pas la ville française typique, ce n’est pas la même ville que Monet a peint, mais elle a son charme quand même. Bref, n’hésitez pas à y aller pour vous faire votre propre opinion. Après avoir vu les endroits les plus connues de Normandie, bien sûr.

Comments are closed.